Il existe en vous une force silencieuse, toujours active, toujours en mouvement, qui observe, compare, anticipe, calcule et réagit sans relâche, un mécanisme intérieur qui semble parfois tout savoir et tout décider, mais dont la mission réelle n’a jamais été votre bonheur ni votre paix intérieure, car l’esprit humain, depuis ses origines, n’a qu’un seul objectif : assurer votre survie, éviter la douleur, contourner les risques, et maintenir autour de vous un territoire suffisamment connu pour vous permettre d’avancer sans danger, et c’est ainsi qu’il vous guide, vous alerte, vous protège, mais qu’il vous enferme également dans des limites qu’il croit nécessaires.

Et pourtant, malgré cette réalité, nous continuons souvent de suivre notre esprit comme s’il détenait toutes les réponses, comme si sa voix représentait la vérité absolue, comme si chaque pensée surgissant en nous devait être crue sans examen, alors même que la plupart de ses réactions ne sont pas orientées vers la vie, vers l’expansion, vers l’épanouissement, mais vers la sécurité, vers la répétition, vers le contrôle, vers l’évitement de tout ce qui pourrait nous faire ressentir un inconfort quelconque.

Depuis la nuit des temps, l’esprit s’est façonné autour de cette fonction de protection, tel un gardien vigilant observant chaque menace potentielle ; il mémorise les douleurs passées afin de ne plus les rencontrer, il simplifie la réalité en catégories de “bon” ou “dangereux”, il cherche à prévoir, à anticiper, à verrouiller les issues, et pour cela, il utilise un langage qui n’est pas celui de la liberté, mais celui de la peur, de l’hésitation, du stress, du jugement, du perfectionnisme, de la fuite émotionnelle, tout un ensemble de mécanismes qui fonctionnent très bien pour éviter le danger mais très mal pour ouvrir la vie.

Et c’est alors que nous découvrons une vérité essentielle : ce que vous voulez et ce que votre esprit veut pour vous ne sont pas la même chose, car vous, au fond, vous aspirez à vous épanouir, à créer, à aimer, à grandir, à vous révéler, tandis que votre esprit aspire à la stabilité, à la prévisibilité, à la répétition du connu, à la réduction des risques, et c’est dans ce décalage que naissent toutes les résistances intérieures, toutes les autocensures, toutes les hésitations devant les projets qui vous appellent ; l’esprit, croyant vous protéger, vous dit de ne pas oser, de ne pas vous montrer, de ne pas vous ouvrir, de ne pas changer, et il trouve pour cela des raisons parfaitement logiques, mais entièrement guidées par la peur.

L’épanouissement, lui, n’obéit pas à cette logique ; il ne vient pas des calculs de l’esprit, mais d’un autre espace en vous, un espace plus profond où la vie se ressent plutôt qu’elle ne se pense, où la clarté ne vient pas d’un raisonnement mais d’une évidence intérieure, où votre énergie vous montre ce qui vous élève et ce qui vous contracte, où votre souffle vous ramène à ce qui est juste, où le courage n’est pas une absence de peur mais une fidélité à ce qui vous appelle malgré elle, car là où l’esprit veut fuir l’inconnu, votre être profond cherche à s’y abandonner ; là où l’esprit analyse, votre cœur s’ouvre ; là où l’esprit retient, votre conscience invite à avancer.

L’éveil intérieur commence lorsque vous cessez de confier le gouvernail de votre vie à votre esprit, non pas en le supprimant — car c’est impossible — mais en le remettant à sa juste place : celle d’un outil, d’un serviteur, d’un assistant brillant mais incapable de percevoir ce qui vous rend heureux, vivant, aligné, car sa compétence est la protection, pas l’épanouissement.

Pour cela, il existe quelques leviers simples mais puissants, qui ne consistent pas à faire taire votre esprit mais à cesser de le suivre aveuglément. Vous pouvez d’abord apprendre à l’observer sans y adhérer automatiquement, à entendre ses pensées comme des propositions et non comme des vérités ; chaque pensée n’est qu’une hypothèse, une tentative d’évaluer la réalité, rien de plus, et lorsque vous cessez de confondre pensée et réalité, vous reprenez une liberté immense.

Vous pouvez également redonner une place centrale à votre corps, à vos sensations, à la manière dont une situation vous contracte ou vous dilate intérieurement, car le corps ne ment pas : il sait ce qui est juste pour vous bien avant que l’esprit ne formule un argument. Votre respiration, elle aussi, est un guide, un terrain neutre qui vous ramène à vous-même lorsque l’esprit s’emballe.

Et enfin, vous pouvez choisir d’oser l’inconfort, cet espace que l’esprit fuit mais dans lequel se trouve souvent votre croissance la plus profonde, car derrière la peur de parler se cache votre voix, derrière la peur de perdre se trouve votre liberté, derrière la peur de l’échec se trouve l’audace d’être vous-même, et à chaque fois que vous traversez ce seuil, quelque chose en vous s’élargit.

Lorsque l’esprit cesse de diriger et commence à servir, lorsque la conscience reprend sa place de guide, lorsque le mental protège sans limiter, alors une transformation profonde devient possible ; vous cessez de vivre pour éviter la douleur et vous commencez à vivre pour vous révéler, et c’est à cet endroit précis que la vraie vie peut enfin commencer, là où l’esprit assure la survie, mais où votre être profond, lui, ouvre la voie à l’expansion.

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